Condé, Maryse
Robert Laffont, 248 pgs.
"... Elle ne parlait
guère. Elle ne semblait pas curieuse, excitée comme ses compagnes, impatientes
de commencer leur apostolat. En plus, sa couleur la mettait à part, cette peau
noire qui l'habillait comme un vêtement de grand deuil. Elle n'était pas
franchement négresse. Plutôt métisse d'on ne savait combien de races. Elle ne
portait pas l'habit religieux, n'ayant pas prononcé de vœux. Elle était vêtue
d'une stricte robe grise et portait autour du cou un foulard coupé en deux par
un ruban qui soutenait une massive croix en or. Hiver comme été, matin, midi et
soir, elle ne quittait jamais ce foulard, toujours noué serré, assorti à la
couleur de ses vêtements. D'où sortait-elle ? De la Guadeloupe ou de la
Martinique. Enfin, d'une de ces colonies qui n'ont de françaises que le nom,
habitées par des nègres baptisés, qui font quand même bamboulas, jurent comme des
païens, battent le tambour et boivent des alcools forts... "
Une
nouvelle fois, avec la force et la cruauté qui hantent son œuvre, Maryse Condé
met en scène le supplice des peuples opprimés et plus particulièrement celui
des femmes martyrisées. Dans ce roman " endiablé " où les vivants et
les morts se mêlent parfois amoureusement, Maryse Condé trace à l'encre rouge
sang le destin de Célanire Pinceau, bébé sacrifié à sa naissance sur l'autel de
la réussite politique d'un Blanc et qui n'aura pas assez de toute sa vie pour
se venger du crime dont elle a été la victime.