Slimani, Leïla
Gallimard, 365 pgs.
En
1944, Mathilde, une jeune Alsacienne, s'éprend d'Amine Belhaj, un Marocain
combattant dans l'armée française. Après la Libération, elle quitte son pays
pour suivre au Maroc celui qui va devenir son mari. Le couple s'installe à
Meknès, ville de garnison et de colons, où le système de ségrégation coloniale
s'applique avec rigueur. Amine récupère ses terres, rocailleuses ingrates et
commence alors une période très dure pour la famille. Mathilde accouche de deux
enfants : Aïcha et Sélim. Au prix de nombreux sacrifices et vexations, Amine
parvient à organiser son domaine, en s'alliant avec un médecin hongrois, Dragan
Palosi, qui va devenir un ami très proche. Mathilde se sent étouffée par le
climat rigoriste du Maroc, par sa solitude à la ferme, par la méfiance qu'elle
inspire en tant qu'étrangère et par le manque d'argent. Les relations entre les
colons et les indigènes sont très tendues, et Amine se trouve pris entre deux
feux : marié à une Française, propriétaire terrien employant des ouvriers
marocains, il est assimilé aux colons par les autochtones, et méprisé et
humilié par les Français parce qu'il est marocain. Il est fier de sa femme, de
son courage, de sa beauté particulière, de son fort tempérament, mais il en a
honte aussi car elle ne fait pas preuve de la modestie ni de la soumission
convenables. Aïcha grandit dans ce climat de violence, suivant l'éducation que
lui prodiguent les Soeurs à Meknès, où elle fréquente des fillettes françaises
issues de familles riches qui l'humilient. Selma, la soeur d'Amine, nourrit des
rêves de liberté sans cesse brimés par les hommes qui l'entourent. Alors
qu'Amine commence à récolter les fruits de son travail harassant, des émeutes
éclatent, les plantations sont incendiées : le roman se clôt sur des scènes de
violence inaugurant l'accès du pays à l'indépendance en 1956.