Tokarczuk, Olga
Noir sur Blanc, 381 pgs.
Prix Nobel de Littérature 2018
« Alors, remue-toi, balance-toi, cours, file
! Si t’oublies ça, si tu t’arrêtes, il va t’attraper avec ses grosses pattes
velues et faire de toi une marionnette. Il t’empestera de son haleine qui sent
la fumée, les gaz d’échappement et les décharges de la ville. Il va transformer
ton âme multicolore en une petite âme toute raplapla, découpée dans du papier
journal. » La clocharde du métro de Moscou qui parle ici appartient aux Bieguny
(les marcheurs ou pérégrins), une secte de l’ancienne Russie, pour qui le fait
de rester au même endroit rendait l’homme plus vulnérable aux attaques du Mal,
tandis qu’un déplacement incessant le mettait sur la voie du Salut.
En une myriade de textes courts, Les Pérégrins, sans doute
le meilleur livre d’Olga Tokarczuk, compose un panorama coloré du nomadisme
moderne. Routards, mères de famille en rupture de ban, conducteur de ferry qui
met enfin le cap sur le grand large : qu’ils soient fuyards ou conquérants, les
personnages sont aux prises avec leur liberté, mais aussi avec le temps. Et ce
sont les traces de notre lutte avec le temps que relève l’auteur aux quatre
coins du monde : depuis les figures de cire des musées d’anatomie jusqu’aux
méandres de l’Internet, en passant par les cartes et plans.
À travers les lieux et les non-lieux de ses voyages, Olga
Tokarczuk a rassemblé des histoires, des images et des situations qui nous
éclairent sur un monde à la fois connu et absolument mystérieux, mouvant réseau
de flux et de correspondances... Sans jamais nous laisser oublier que « le but
des pérégrinations est d’aller à la rencontre d’un autre pérégrin ».