Hugo, Victor
Ldp, 733 pgs.
Sorti du libre élan mystique, le gothique, comme on
l'a dit sans le comprendre, est le genre libre. Je dis libre, et non
arbitraire. S'il s'en fût tenu au même type, s'il fût resté assujetti par
l'harmonie géométrique, il eût péri de langueur. [...] Comment compter nos
belles églises au xiiie siècle ? Je voulais du moins parler de Notre-Dame de
Paris. Mais quelqu'un a marqué ce monument d'une telle griffe de lion, que
personne désormais ne se hasardera d'y toucher. C'est sa chose désormais, c'est
son fief, c'est le majorat de Quasimodo. Il a bâti, à côté de la vieille
cathédrale, une cathédrale de poésie, aussi ferme que les fondements de
l'autre, aussi haute que ses tours. Si je regardais cette église, ce serait
comme livre d'histoire, comme le grand registre des destinées de la monarchie.
[...] La grande et lourde église, toute fleurdelysée, appartient à l'histoire
plus qu'à la religion. Elle a peu d'élan, peu de ce mouvement d'ascension si
frappant dans les églises de Strasbourg et de Cologne. Les bandes
longitudinales qui coupent Notre-Dame de Paris arrêtent l'élan ; ce sont plutôt
les lignes d'un livre. Cela raconte au lieu de prier. [...] Notre-Dame de Paris
est l'église de la monarchie ; Notre-Dame de Reims, celle du sacre.
Jules Michelet, Histoire de France, iv, 8, « Eclaircissements : la Passion comme principe d'art
au Moyen Age » (1833)