Strindberg, August
Gallimard, L'Imaginaire, 266 pgs
«Tout ce que je touche me fait mal, et, enragé des supplices que je veux attribuer à des puissances inconnues qui me persécutent et entravent mes efforts depuis tant d'années, j'évite les hommes, néglige les réunions, décommande les invitations, et éloigne les amis. Il se fait autour de moi du silence et de la solitude : c'est le calme du désert, solennel, horrible, où par bravade je provoque l'inconnu, luttant corps à corps, âme à âme. J'ai prouvé la présence du carbone dans le soufre ; je vais y déceler l'hydrogène et l'oxygène, car il faut qu'ils y soient. Mes appareils ne suffisent plus, l'argent me manque, mes mains sont noires et sanglantes, noires comme la misère, sanglantes comme mon cœur. [...] Je me sens sublime, flottant sur la surface de quelque mer : j'ai levé l'ancre et je n'ai nulle voilure.»