"De mère française. De père algérien. Je sais les odeurs, les sons, les couleurs. C'est une richesse. C'est une pauvreté. Ne pas choisir c'est être dans l'errance. Mon visage algérien. Ma voix française. J'ai l'ombre de ma lumière." Entre ce père algérois et cette mère bretonne, le fruit d'un amour contesté : une fille qui cherche sa place, ici, là. D'une nationalité à l'autre, d'une identité à l'autre, d'un sexe à l'autre. Elle s'appelle Yasmina, se préfère en garçon, sous le nom de Nina, puis Ahmed, puis Brio, qui ment, se dissimule, qui s'invente, façonne "un corps fait pour la lumière, le sable et les vents de sel". Mais dans ce troublant jeu de l'identité, Nina porte sur elle la blessure de sa famille, tout le traumatisme de la guerre d'Algérie. Garçon manqué, au-delà d'une histoire intime entre Alger et Rennes, est aussi le rappel d'une histoire algérienne, en souvenirs épars et douloureux : la guerre d'indépendance, le massacre de femmes par les hommes de l'OAS, l'apprentissage de la souffrance, de la violence. C'est encore l'expérience du racisme ordinaire en guise d'héritage, d'une certaine France, incapable "d'aimer vraiment ce qui est étranger", l'expérience des humiliations et d'une haine dans laquelle la narratrice puise sa force. Après cinq romans, Nina Bouraoui signe là sa première œuvre autobiographique. Une oeuvre âpre, sans concession, gouvernée par la violence des mots d'une jeune fille prise entre deux cultures, abîmée entre deux exils.